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Omnibus : vers une régulation ESG responsable ?
information fournie par Le Cercle des économistes 17/03/2025 à 09:24

esg (Crédits: Adobe Stock)

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Le projet de loi Omnibus, porté par la Commission européenne, vise à simplifier un ensemble de réglementations environnementales et sociétales qui pèsent sur les entreprises, dans un contexte où la compétitivité européenne est mise à mal face aux États-Unis et à la Chine. Alors que le milieu des affaires salue une réforme de bon sens, certaines ONG et activistes redoutent un recul sur les engagements environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) de l'Union européenne.

Une réglementation jugée excessive par les entreprises. Les acteurs économiques européens, à commencer par les grandes fédérations patronales comme le Medef (France), la BDI (Allemagne) et la Confindustria (Italie), ont multiplié les critiques contre l'empilement de normes jugées trop complexes et coûteuses. Ils s'inquiètent notamment de la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), qui impose aux entreprises de publier des données extra-financières sur leur impact ESG. Cette approche, bien que séduisante sur le papier, se révèle très lourde en pratique, avec pas moins de 1 200 indicateurs à analyser et à reporter. Pour le directeur général de BNP Paribas, Jean-Laurent Bonnafé, la CSRD relève d'un "délire bureaucratique".

La France, qui avait pourtant été l'un des premiers pays à transposer la CSRD en 2023, semble aujourd'hui revoir sa position. La porte-parole du gouvernement, Sophie Primas, qualifie la directive d'"enfer pour les entreprises". L'ancien Premier ministre Michel Barnier propose un moratoire de deux à trois ans sur certaines obligations, tandis que le ministre de l'Économie, Eric Lombard, reconnaît le coût élevé de ces nouvelles règles.

Choc de simplification ou retour en arrière ? Face à ces critiques, la Commission européenne a annoncé un "choc de simplification massif" à travers la loi Omnibus. Ce texte englobe plusieurs réglementations, dont la CSRD, la taxonomie européenne, la directive sur le devoir de vigilance (CS3D) et le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (CBAM). L'objectif est de réduire la charge administrative des entreprises tout en maintenant les ambitions climatiques et sociétales de l'UE.Mais ce projet inquiète les ONG et certains parlementaires européens. Une vingtaine d'organisations, dont WWF et Human Rights Watch, redoutent une dilution des obligations des entreprises, notamment en restreignant leur devoir de vigilance aux seuls partenaires directs, excluant ainsi une partie de leur chaîne d'approvisionnement.

Un équilibre difficile à trouver. Avec la guerre en Ukraine qui perturbe notre approvisionnement énergétique, l'élection de Donald Trump, climatosceptique militant, ainsi que la croissance continue des émissions de GES par des pays émergents, la position de l'Union européenne apparaît de plus en plus isolée et potentiellement contre-productive. En 2021, la Chine était responsable de plus d'un quart des émissions mondiales de GES, les États-Unis de 11 % et l'Union européenne « seulement » de 7 %. En imposant des régulations strictes telles que la CSRD, l'UE risque d'handicaper sa compétitivité sans réel impact sur le climat. Si les principales puissances économiques ne suivent pas la même trajectoire, ces efforts européens, aussi ambitieux soient-ils, pourraient avant tout fragiliser les entreprises et les citoyens du continent sans bénéfice tangible pour l'environnement.

Alors que la réglementation verte était perçue comme un levier de compétitivité face à une transition écologique mise en œuvre mondialement, elle est désormais vue par beaucoup comme un frein à l'innovation et à l'investissement dans une Europe isolée dans son combat ESG. Il apparaît donc essentiel de concentrer les efforts de durabilité sur des investissements stratégiques renforçant l'indépendance énergétique de l'UE, notamment dans le nucléaire ou les énergies vertes et renouvelables, ainsi que les investissements qui favorisent la sobriété énergétique et donc réduisent notre dépendance aux énergies fossiles. Parallèlement, il ne faut pas négliger les actions en faveur de l'adaptation au changement climatique, afin de conjuguer résilience économique et transition écologique efficace.

Emmanuelle Auriol
Membre du Cercle des économistes,
Professeure à la Toulouse School of Economics

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